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COMBATTRE LES PARADIS FISCAUX |
CE QUI A ÉTÉ FAIT -
CE QUI DEVRAIT ÊTRE FAIT
IV – 10 PROPOSITIONS POUR ALLER PLUS LOIN : 2015 ET AU-DELÀ
de long terme. Les politiques publiques qui vont
actuellement dans ce sens vont mettre plusieurs
années à être mises en œuvre et vont faire l’objet
de renégociations. Afin, de maintenir la dynamique
politique de ces dernières années, il est nécessaire
que soient fixés des rendez-vous réguliers permettant
de mesurer les progrès accomplis et de maintenir la
pression sur les gouvernements et les acteurs privés
pour qu’ils poursuivent leurs efforts.
Par exemple,
au niveau de chaque pays de l’Union
européenne, de leur parlement et du parlement
européen, il pourrait être demandé aux admi-
nistrations fiscales et au Commissaire en charge
de la fiscalité de produire un document annuel
qui présenterait : les taux effectifs d’imposition des
personnes les plus aisées (en tant que groupe), des
multinationales (individuellement), le nombre de re-
dressement fiscaux opérés, le nombre d’informations
reçues par l’échange automatique, de quels pays, les
montants d’impôt récupérés, etc., la liste est à définir.
Une discussion parlementaire pourrait suivre la
publication du rapport, par exemple au moment
des débats budgétaires. La procédure du semestre
européen pourrait inclure cette dimension
dans les
avis rendus par la Commission sur la dynamique des
finances publiques des pays.
Une fenêtre politique est aujourd’hui ouverte en fa-
veur de politiques publiques conséquentes destinées
à remettre en cause les paradis fiscaux dans toutes
leurs dimensions. Il est essentiel de la maintenir ainsi
tout le temps nécessaire à la construction de com-
promis nationaux, européens et mondiaux efficaces.
PROPOSITION
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PROTÉGER LES LANCEURS D’ALERTE
L’éclatement de la bulle financière et la crise écono-
mique et sociale qui s’en est suivi ont été l’occasion
d’une mobilisation de salariés dénonçant les acti-
vités de leurs entreprises, publiques ou privées, aux
finalités morales – voire juridiques – douteuses. Si
Edward Snowden est le cas le plus médiatisé, dans
le domaine des libertés publiques, la dénonciation
de pratiques fiscales jugées scandaleuses a connu
une forte progression. La révélation par Antoine
Deltour – et un autre Français dont l’identité n’est pas
connue – du comportement du cabinet PriceWate-
rHouseCoopers au Luxembourg qui a donné lieu à
l’affaire Luxleaks n’est que le dernier épisode d’une
série qui a vu la mobilisation de salariés des banques
UBS, en France et aux Etats-Unis, HSBC, Julius Baer,
etc. Tous ont été poursuivis en justice par leur ancien
employeur.
Ces lanceurs d’alerte ne disposent pas jusqu’à pré-
sent d’une protection juridique adéquate au niveau
européen et des différents pays de l’Union. Il est donc
nécessaire de progresser en ce domaine. Quelles
sont les pistes possibles ?
En avril 2014, le Comité des Ministres du Conseil de
l’Europe a proposé une recommandation visant à
poser les bases des protections dont devraient bé-
néficier les lanceurs d’alerte. Un texte qui peut servir
de base à une réflexion sur le sujet. Au niveau le plus
général, le Conseil « recommande aux Etats membres
de disposer d’un cadre normatif, institutionnel et
judiciaire pour protéger les personnes qui, dans le
cadre de leurs relations de travail, font des signale-
ments ou révèlent des informations concernant des
menaces ou un préjudice pour l’intérêt général ».
La définition de ce que recouvre les activités de
lanceurs d’alerte dans la perspective de la protection
de l’intérêt général des Etats européens et de l’Union
devrait alors inclure la protection contre les viola-
tions des lois fiscales des pays victimes et les risques
pour leurs recettes publiques, voire pour leur stabilité
financière. Ceci dans
l’acception la plus large pos-
sible
car, comme le souligne le juriste australien A.J.
Brown,
« le caractère complet d’une législation pro-
tectrice des lanceurs d’alerte, quel que soit le secteur
couvert, dépend de trois critères: l’étendue des faits
susceptibles d’être signalés; l’étendue et la diversité
des secteurs d’activité couverts par la législation ; et,
enfin, l’étendue des personnes pouvant bénéficier du
processus et des protections prévues par la loi. »
(cité