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mais sans calendrier précis. On voit mal le Congrès
américain, dont les deux chambres sont contrôlées
par les républicains, avancer sur le sujet. Bel appel
d’air pour le Delaware et autres Etats américains
parasites qui n’auront pas, à ce stade, à donner
d’informations.
Il est essentiel que l’Europe,
parlant d’une seule
voie,
exerce une pression politique sur les Etats-
Unis
en la matière afin de les amener le plus rapide-
ment possible à accepter la réciprocité.
LES POINTS À SURVEILLER : LE POSITIONNE-
MENT DES ÉTABLISSEMENTS FINANCIERS ET LE
RÔLE DES JUGES
On peut par ailleurs penser que les grandes
banques internationales ne joueront pas forcément
le jeu. Elles pourraient être tentées de se considé-
rer « too big to jail » et décider de poursuivre leurs
activités fiscales opaques pour elles-mêmes et pour
leurs clients. De ce point de vue, les Etats-Unis
jouent un rôle important : après avoir proposé des
arrangements financiers aux grandes institutions
bancaires prises la main dans le sac de compor-
tements financiers douteux – y compris de fraude
fiscale comme UBS – la justice américaine semble
vouloir franchir une nouvelle étape.
Le discours prononcé en septembre 2014 par
Marshall L. Miller, un haut responsable du minis-
tère de la Justice des Etats-Unis,
semble indiquer
une volonté d’aller plus loin. « Les entreprises
n’agissent de façon criminelle que parce que des
individus le font » assène Miller. « Lorsque la pour-
suite d’individus coupables est empêchée, les in-
térêts du gouvernement ne peuvent être reconnus
qu’en poursuivant la société. C’est l’un des leçons
qui doivent être tirées des cas de BNP Paribas et
de Crédit Suisse ». Les deux banques ont payé de
fortes amendes car elles ont volontairement omis
de remettre à la justice américaine les preuves
permettant d’inculper leurs dirigeants. A l’inverse,
Morgan Stanley est citée en exemple pour avoir
coopérer en la matière
Le deal proposé aux entreprises est donc clair :
vous nous donnez les preuves de la culpabilité
individuelle de vos patrons ou bien vous payez
beaucoup.
Et on sent que Marshall Miller préfère
désormais la première solution. Il décrit dans le
détail les moyens techniques utilisés, digne des
enquêtes policières contre la pègre, pour coincer
les délinquants en cols blancs. Et pour ceux qui
n’aurait pas compris : « je vais être direct. Si vous
voulez être crédité d’une coopération totale, faite
tous les efforts possibles pour apporter les preuves
de culpabilité individuelle la première chose dont
vous parlez quand vous passez la porte pour venir
faire votre présentation. Et soyez sûrs que c’est la
dernière chose dont vous parlez avant de ressortir»!
Le message est limpide : après avoir fait payer les
entreprises, la justice américaine veut voir des têtes
tomber. En quelque matière délictueuse que ce
soit – y compris dans les cas de fraude et d’évasion
fiscale – les dirigeants des grandes entreprises ne
seraient plus too big to jail.
Face à cette offensive,
la justice des pays européens est restée jusqu’à
présent en retrait.
Mais elle peut avoir un rôle à
jouer dans l’efficacité des mécanismes de levée de
l’opacité fiscale qui sont en train de se mettre en
place.
SI les grandes banques sont amenées à jouer le jeu,
on peut alors se demander si des établissements
européens plus marginaux ne vont pas tenter
de récupérer le marché rentable du secret fiscal,
mettant à mal les projets du G20. Néanmoins, dans
la mesure où de véritables progrès seraient réalisés
en ce domaine, les petites boutiques financières
devraient offrir des produits risqués, et donc très
onéreux, qui plus est forçant des individus fortu-
nés souhaitant échapper aux autorités fiscales
à se mêler plus étroitement à des opérations de
blanchiment d’argent sale ou de financement du
terrorisme.
De la même façon, le Panama et quelques autres
petits paradis fiscaux n’auront pas les compétences
et les infrastructures nécessaires pour se substituer
complètement aux centres financiers offshore qui