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Si l’on met de côté le poids du premier centre
financier mondial qu’est la place de Londres, on
trouve une dynamique légèrement différente. La
part des prêts internationaux à destination des
paradis fiscaux continue à progresser jusqu’à la mi
2009, avant de décliner jusqu’à la fin 2013 puis de
rebondir au cours de l’année suivante. Du côté des
dépôts internationaux à destination des paradis
fiscaux, la baisse débute dès 2004 avant de nette-
ment s’accentuer à partir de 2009 puis, là aussi, de
remonter à partir de 2013.
En Europe, le parlement a imposé aux banques
de fournir dès 2014 la liste de leurs implantations
à l’étranger, le chiffre d’affaires et le nombre d’em-
ployés par pays. Seules les banques françaises ont
fait l’objet d’une analyse un peu pointue. D’abord,
aucune d’entre elles ne fournit d’informations pré-
cises sur leur présence aux îles Caïmans, arguant
du fait que les dossiers sont traités à partir des
Etats-Unis. Un manque de transparence inquiétant
(voir ci-dessous). Ensuite, le détail de la présence
à l’étranger des champions français révèle que, à
l’exception de la Société générale,
l’Irlande joue un
rôle important pour le système bancaire du pays
.
Le pays se situe dans le trio de tête des territoires
où le chiffre d’affaires par employé est le plus élevé.
Pour BPCE, il est même 11 fois plus important que
pour la moyenne des implantations de la banque,
et huit fois plus pour sa filiale financière Natixis !
Une banque de moindre surface comme le Crédit
mutuel n’échappe pas aux implantations bizarres:
derrière les Etats-Unis et le Royaume-Uni, le Luxem-
bourg, les Antilles néerlandaises et les Bahamas
arrivent en tête de liste des implantations les plus «
productives ».
Une analyse proposée par l’ONG Weed
sur les
données de la Deutsche Bank souligne le rôle im-
portant joué par la filiale du Luxembourg
dont la
productivité est de près de quatre fois plus élevée
que pour la moyenne des autres filiales.
Pour autant, les paradis fiscaux ne représentent
qu’environ 10 % du chiffre d’affaires total de BNPP,
de la Société générale, du Crédit agricole et de
Deutsche Bank, de l’ordre de 2 % seulement pour
BPCE. Une information insuffisante pour juger
du poids effectif des paradis fiscaux : il faudra
attendre 2015, lorsque les banques européennes
vont devoir fournir en plus, à priori publiquement,
le montant des profits réalisés et des impôts payés
dans chaque pays d’implantation, pour obtenir
une image plus précise de la façon dont les profits
circulent.
L’analyse précise du rôle des paradis fiscaux, en
tant que zones d’opacité financière, reste à faire.
Mais ces évolutions montrent que l’on en n’a pas
fini avec le rôle des paradis fiscaux dans la fi-
nance internationale.
Malheureusement, alors que
la mission en avait été confiée au FMI et au Conseil
de stabilité financière par le G20 d’avril 2009, aucun
progrès n’a été fait en la matière. Le Conseil a fini
par accoucher à la fin 2011 d’une ridicule liste de
deux pays – la Lybie et le Venezuela - censés être
les seuls à poser problème ! Et pourtant, l’épisode
de la crise de confiance dans les banques euro-
péennes durant l’été 2011 laisse penser que les
paradis fiscaux pourraient jouer un rôle bien plus
crucial dans le fonctionnement du système ban-
caire, en particulier celui de la zone euro.
Les paradis fiscaux au cœur du réacteur
bancaire européen
Selon les données de la Banque des règlements
internationaux (BRI), les îles Caïmans étaient en
septembre 2014 le 6
ème
centre financier mondial.
Les Caïmans se classent ainsi régulièrement depuis
de longues années dans les tous premiers acteurs
de la finance internationale. Comment cela s’ex-
plique-t-il ? Pour une part, on y trouve une bonne
expertise en matière de financements de long
terme visant à l’acquisition d’avions et de bateaux.
Mais ses qualités ne s’arrêtent pas là. On a déjà
mentionné l’étude de l’équivalent de la Cour des
comptes américaine soulignant que les îles repré-
sentaient un lieu stratégique dans la circulation des
actifs toxiques présents dans le système bancaire
des Etats-Unis.