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COMBATTRE LES PARADIS FISCAUX |
CE QUI A ÉTÉ FAIT -
CE QUI DEVRAIT ÊTRE FAIT
III – LA MISE EN ŒUVRE D’UN NOUVEAU CADRE: 2014 - 2015
cales, l’OCDE soulignant que pour certains pays la
taxation des multinationales correspond à 90 % de
leurs recettes. Plusieurs pays du Sud sont associés
à BEPS, des réunions se tiennent avec des associa-
tions fiscales régionales, certains pays demandeurs
bénéficient d’une aide plus directe (Colombie,
Ghana, Kenya, Vietnam) et le programme pilote Tax
Inspectors Without Borders qui permet d’envoyer
des experts du Nord en renfort des administrations
fiscales du Sud sur les cas les plus complexes de-
vrait être pérennisé.
Mais
si les principes sont posés, leur réalisation
reste à concrétiser. Il faut désormais attendre la
fin 2015 pour que l’OCDE livre les mesures pré-
cises
qui vont ressortir de ses réflexions et de ses
consultations. On pourra alors porter un jugement
plus précis, en attendant de pouvoir observer les
résultats.
3. L’OUBLI : PARADIS FISCAUX ET
INSTABILITÉ FINANCIÈRE
Lors de sa réunion d’avril 2009 à Londres, le G20
avait pointé l’importance de réguler les centres
financiers offhore considérés comme une source
potentielle de contournement des politiques
prudentielles internationales visant à maîtriser
les risques pris par les établissements financiers.
Malheureusement, si des progrès sont en cours
pour limiter les fuites de recettes fiscales dues aux
paradis fiscaux, le G20 n’a rien fait pour remettre
en cause des territoires qui nourrissent l’instabilité
financière internationale.
Des facilitateurs de prise de risque
Un rapport du GAO, l’équivalent de la Cour des
comptes aux Etats-Unis, montre dès 2008 qu’une
partie du système bancaire fantôme établi par les
institutions financières américaines pour dévelop-
per les actifs toxiques l’a été aux îles Caïmans. Les
déboires de la banque britannique Northern Rock
sont dus à un excès d’endettement à court terme
dissimulé dans sa filiale Granite, enregistrée à Jer-
sey. La banque d’affaires américaine Bear Stearns
a été touchée par les déboires de ses fonds spé-
culatifs installés pour partie à Dublin, pour partie
aux Caïman de même que l’allemande Hypo Real
Estate a été emportée par les paris perdus de ses
filiales irlandaises.
L’Islande a dû se battre sur le front diplomatique
sur le sujet du dédommagement des clients bri-
tanniques et hollandais des filiales de ses banques
installées à Guernesey (Landsbanki) et l’île de Man
(Kaupthing). Le rôle de la Suisse, du Luxembourg,
des Iles Vierges britaniques ou des Bermudes
dans le scandale Madoff et celui d’Antigua dans le
scandale Allen Stanford ont été mis en évidence. Le
Luxembourg, les îles Caïmans et le Royaume-Uni
sont les trois pays où sont situés les investisseurs
qui achètent en priorité la dette publique française,
une réalité mal mesurée mais qui doit toucher
d’autres pays de l’Union. Les titres de dettes
publiques sont ensuite vendus à d’autres investis-
seurs et il est difficile de savoir qui détient in fine
les titres d’endettement des Etats. Mais nul doute
que les centre offshore y ont leur part et jouent un
rôle dans les crises de dettes publiques.
Les paradis fiscaux ont ainsi été des acteurs de
tous les épisodes clés de la crise financière.
On peut tenter de mesurer leur rôle dans la finance
à leur place dans les mouvements de capitaux
internationaux. De nombreuses études et travaux
montrent que la City de Londres offre des services
d’opacité tels que l’on peut la classer comme para-
dis fiscal. A cette aune, on retrouve les estimations
traditionnelles qui estiment le poids des paradis
fiscaux à environ la moitié des flux bancaires inter-
nationaux. Ainsi, les prêts bancaires à destination
des paradis fiscaux ne cessent de croître à partir du
milieu des années 1990 pour atteindre une part de
48,5 % en décembre 2007. Depuis, celle-ci n’a cessé
de diminué pour revenir vers les 42 % à la fin 2014.
De la même façon, la part des dépôts bancaires
internationaux en provenance des paradis fiscaux
a connu une forte montée de 1995 à 2007 pour
atteindre 52,1 % du total, avant de retomber à 47 %
à la fin 2014.