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COMBATTRE LES PARADIS FISCAUX |
CE QUI A ÉTÉ FAIT -
CE QUI DEVRAIT ÊTRE FAIT
I – LUTTER CONTRE LES PARADIS FISCAUX : LES TROIS MENACES
2. LES CENTRES FINANCIERS OFFSHORE
NOURRISSENT L’INSTABILITÉ FINAN-
CIÈRE
Les premiers marchés financiers offshore con-
temporains, où les transactions s’exercent sous
un faible contrôle public, se sont développés à
partir des années 1950 sous l’impulsion de la
Banque d’Angleterre, avec la création du marché
des eurodollars. A partir de la fin des années
1960, banquiers et multinationales s’en serviront
de manière croissante pour répondre à la crise
du modèle des Trente glorieuses, recherchant
des localisations alternatives pour réduire leurs
coûts salariaux, échapper aux conflits sociaux
et réduire leur participation au financement de
l’Etat Providence. Offrant des conditions fiscales
avantageuses, une résidence fictive, la protec-
tion du secret des transactions et un marché
financier développé aux activités difficilement
traçables, les paradis fiscaux répondaient alors
exactement aux besoins des entreprises.
On peut,
à l’instar de Y.S Park,
répartir les
centres financiers offshore en quatre grands
groupes :
-
les marchés primaires :
des grands centres
financiers, présents sur tous les segments
de marché et destinés à accueillir tous types
d’acteurs financiers (Londres)
-
les booking centres :
des espaces spécifique-
ment dédiés à l’enregistrement fictifs des
transactions (Caïmans, Bermudes, etc.) et qui
peuvent être également des centres bancaires
internationaux (Suisse…). Ainsi, les îles Caï-
mans se classent régulièrement autour de la
5ème place comme centre financier interna-
tional (BRI)
-
les Funding centres :
ceux qui organisent
des transferts de capitaux de l’extérieur vers
l’intérieur (Singapour, Hong Kong…)
-
les Collection centres :
ceux qui organisent
des transferts de capitaux de l’intérieur vers
l’extérieur (Bahreïn…)
Ces centres financiers offshore représentent un
outil efficace de dissimulation des risques finan-
ciers.
S’ils n’ont pas causé la crise des sub-
primes, ils en ont été l’un des facilitateurs,
un
rôle jusque-là complètement sous-estimé (cf.
infra).
3. DES LIEUX DE BLANCHIMENT
Il n’existe aucun endroit dans les statistiques
financières internationales où l’on puisse lire le
montant d’argent sale qui passe par les paradis
fiscaux. Fondées sur des anecdotes, des extrapo-
lations ou sur des « confidences » des appareils
répressifs,
les estimations disponible sont très
fragiles
. Les travaux du chercheur américain Tom
Naylor souligne qu’une estimation digne de ce
nom réclame de connaître le montant du chif-
fre d’affaires du crime, le taux de profit, le taux
d’épargne (ce qui n’est pas flambé dans de la
consommation ostentatoire), la part de l’épargne
financière, etc., autant d’estimations impossibles.
La vérité est que personne ne sait rien ni des mon-
tants, ni de leur évolution. C’est pourtant, para-
doxalement, cet aspect qui a d’abord mobilisé les
politiques publiques en matière de lutte contre les
paradis fiscaux avec la création du Gafi dès 1989.
Après un premier échec au début des années 2000
lié au refus américain de s’engager plus avant, la
crise financière majeure entamée à l’été 2007 sera
le catalyseur d’une véritable contre-offensive des
Etats contre les paradis fiscaux et ceux qui les uti-
lisent. Car, loin de l’image de petites îles ensoleil-
lées au service de quelques privilégiés,
les paradis
fiscaux s’inscrivent depuis plusieurs décennies
au cœur du fonctionnement de la mondialisa-
tion
dont ils sont devenus des infrastructures
essentielles.