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aux pressions. On ne peut pas faire tomber un
système sans en connaître les rouages.
Surtout, nous ne partons plus de rien. Depuis
2009, les choses ont commencé à bouger. Beau-
coup de discours ont été prononcées. Quelques-
uns ont été suivis d’effets. C’est pour permettre
à chacun de faire le point sur ce qui a été fait,
démêler le vrai du faux, que j’ai souhaité de-
mander à Christian Chavagneux de réaliser
l’étude que vous allez découvrir. Surtout, c’est
pour mettre en lumière les nombreux combats
qu’il nous reste à mener que j’ai fait appel à l’un
des spécialistes français les plus reconnus et
les plus apprécié. Pour son objectivité, pour le
sérieux de ses travaux et pour sa grande force
de pédagogie. De son travail, je veux retenir
ceci : le G20 est un espace d’impulsion poli-
tique nécessaire. Mais c’est l’Europe qui peut
enfin prendre le leadership en renonçant à ses
démons.
Depuis trop longtemps nous nous menons une
guerre fiscale, alimentée par le Luxembourg, la
City de Londres, les Pays-Bas ou encore l’Ir-
lande. Cette guerre fiscale à des conséquences
désastreuses sur la construction européenne.
Or nous vivons aujourd’hui un moment de
vérité paradoxal. D’un côté face aux scandales,
la pression populaire et politique monte. Mais
l’ironie veut que dans le même temps, Jean-
Claude Juncker, ancien premier ministre du
Luxembourg et longtemps lobbyiste en chef
des paradis fiscaux, devienne président de la
Commission Européenne. Cette situation est
politiquement intenable et laissera quelqu’un
sur le carreau: soit ce sont les paradis fiscaux
qui reculent, soit l’idée européenne périclitera.
Pour mettre fin à cette autodestruction,
j’identifie quatre grandes priorités politiques
qui doivent nous servir de boussoles :
La première est celle de la transparence. Je l’ai
déjà écrit. Il nous faut connaître les rouages
et les pratiques pour y mettre fin et empêcher
que le mal ne renaisse plus loin. C’est aussi
l’idée de maintenir en permanence ceux qui
gouvernent sous l’œil vigilant de la société et de
la presse. L’urgence est à la transparence des
activités financières des multinationales pays
par pays. Il me semble nécessaire d’inclure à
cette exigence de transparence l’obligation
de rendre publique l’ensemble des accords
fiscaux obtenus dans les différents pays où ces
entreprises tentaculaires sont présentes. Ces
mesures doivent compléter le futur échange
automatique d’informations sur les comptes
bancaires individuels, et je le souhaite sur les
trusts, fondations et autres sociétés écran.
Ma seconde priorité découle de la première.
La transparence n’a d’intérêt que si l’afflux
d’information peut être traitée et si les enquêtes
peuvent être menées. Et nous touchons là un
point particulièrement sensible. Depuis dix
ans, les moyens financiers et humains des
administrations et des justices fiscales sont
en forte baisse à peu près partout en Europe.
Entre 2008 et 2012, 56865 postes ont disparu
dans les différents services fiscaux. Près de
11 000 rien qu’en France. 2600 en Grèce. Tout
l’inverse de ce qu’il faudrait faire. Au moment
où vous lisez ces lignes, seule une petite dizaine
de fonctionnaires de la DG concurrence sont
en charge des immenses enquêtes lancées
par la Commission européenne en matière